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la hanche des Droits de l’Homme. Après un feu très-vif de part et d’autre, les deux bâtiments anglais qui avaient considérablement souffert, durent pousser au large pour se réparer. Lacrosse profitant de ce moment de répit, ’fit distribuer une ration d’eau-de-vie à ses héroïques matelots. Sur les huit heures et demie du soir, les ennemis rouvrirent le feu. Profitant delà supériorité de leur voilure, ils tournaient autour du navire français, "et lançant alternativement sur tribord et bâbord, ils l’enfilaient tour à tour, tandis que celui-ci ne pouvait dans sa riposte ne lancer que sur un bord. Dans cette position critique, Lacrosse essaya d’accrocher un de ses deux adversaires, présumant avec raison que l’autre accourrait pour le délivrer, et espérant qu’il pourrait alors les aborder l’un et l’autre ; mais ceux-ci évitèrent constamment cette manœuvre qui cependant procura aux Droits de l’Homme quelques positions avantageuses pour enfiler ses adversaires de l’avant ou de l’arrière.

Le mât d’artimon fut cassé par vin boulet, et les Anglais profitant de l’embarras qui devait en résulter sur le pont pour s’approcher de plus près, le commandant Lacrosse fit charger ses canons avec des obus dont l’éclat produisit un effet si terrible dans les rangs ennemis que l’Indéfatigable et t Amazone s’éloignèrent au plus vite de leur redoutable adversaire.

Cependant les deux voiles basses des Droits de l’Homme étaient hachées, beaucoup de canonniers avaient été tués à leurs pièces, un grand nombre de ma-lelots étaient blessés ; mais malgré toutes ces pertes, le feu ne se ralentissait pas. Si un homme tombait, dix s’élançaient. Vers une heure du matin, le lieutenant de vaisseau Châtelain eut le bras fracassé par un biscaïen, et quelques in-IL

stants après, le commandant Lacrosse, qui n’avait pas quitté le pont une seule minute, fut atteint au genou gauche, par le ricochet d’un boulet mort. Il tombe, on se précipite pour le porter à l’ambulance ; mais arrêtant ceux qui veulent l’enlever du champ d’honneur, il s’écria d’une voix tonnante : « équipage des Droits de VHomme, jurez-moi de ne point amener le pavillon français ! — Nous le jurons, répondent mille voix pleines d’enthousiasme. — Vaincre ou mourir ! ajouta le commandant, —r Vive la République ! » s’écrie l’équipage entier, et ce cri retentit jusqu’aux Anglais qui dès lors commencèrent à désespérer de la victoire ; puis le brave Lacrosse appelle son second, le capitaine de frégate Prévost-Lacroix, il exige encore de lui qu’il fera couler le navire plutôt que d’amener le pavillon. Prévost fait ce serment d’une voix résolue, et alors seulement Lacrosse consent à se laisser panser.

Le combat dura encore quatre heures avec la même énergie. Vers six heures du matin la vigie signala la côte de France. Le commandant Lacrosse exigea alors qu’on le transportât sur le pont, et l’on chercha à gagner la terre. Les mâts de misaine et de beaupré, entaillés par la mitraille, se brisèrent sous le poids du vent qui s’engouffrait dans les voiles ; , bientôt la grande voile, toute criblée de boulets, mais qui seule tirait encore le vaisseau de l’avant, vint à manquer. On chercha à mouiller les ancres ; le feu de l’ennemi ayant haché leurs câbles, on fut obligé d’étalinguer un fort grelin sur une ancre à jet, après avoir jeté à la mer une partie de la batterie. Quant à l’Indéfatigable, il avait gagné le large, dès qu’on avait été en vue de la côte de France. Cette lutte mémorable avait duré treize heures de nuit, et le plus faible 9

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