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à orthographier Redones  ; l’explication la plus commode consiste à attribuer cette anomalie tout simplement à l’ignorance ou à l’inadvertance du lapicide  ; on rencontre souvent des formes défectueuses de ce genre, comme habiet pour habet, lumphieis pour lumpheis, etc. Je crois cependant pouvoir présenter une explication qui satisfera des esprits plus exigeants. Que le nom des Redones ait, dans certaines circonstances, été prononcé et écrit Riedones, c’est ce que laisse clairement entrevoir la leçon Ῥηήδονες  ; que Wilberg, et plus tard M. L. Renier, ont adoptée dans leurs éditions de Ptolémée. Il est même remarquable que l’édition de Jodocus Hondt (Amsterd., éd. 1605, p. 47), porte dans la partie latine la forme Riedones en regard de Ῥήδονες. Nous allons voir qu’il est possible de confirmer la légitimité de ces inductions par des considérations d’un autre ordre.

Ce que l’on connaît de la phonétique gauloise se réduit à si peu de chose, qu’on ne peut guère en parler qu’à l’aide de rapprochements empruntés aux idiomes congénères. Or, on sait que, dans les langues néo-celtiques, le ē long est sujet à se diphthonguer, et que, notamment en irlandais, cette voyelle se change souvent en ia (Zeuss, Grammatic. Celtic, p. 21 et 113)  ; exemples  : lat. rēgula=irl. riagol, lat. Rhēnus=irl. Rian, b.-bret. lec’h=irland. liac. Il est extrêmement probable que, dans les dialectes gaulois, le e long dégénérait en un son bivocal très-voisin du ia irlandais  ; en effet, des inscriptions et des monnaies de la Gaule montrent que le groupe ii servait à la transcription du e latin  : miirito = merito, liipidi = Lepidi, tasgiitios = Tasgetius, riimos = Remus. Entre les diphthongues ia et ii, il y a évidemment place pour le son bivocal ie  ; si maintenant l’on songe que le nom du char que les Gaulois appelaient rēda (improprement orthographié rhēda) subsiste encore dans l’irlandais riad, on n’hésitera pas à admettre que Riedones soit une variante dialectale de