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Les familles ― et elles sont nombreuses ― qui ont compté des étudiants parmi leurs membres, savent mieux qu’il n’est possible de le dire ici comment on suit, de loin, les étudiants, à la veille des examens, comment on s’intéresse à leurs travaux et comment on fait des conjectures sur le résultat des examens. Dans les familles riches, c’est la vanité qui est en jeu et dans les familles pauvres, ce sont les sacrifices de dix ans faits pour maintenir un jeune homme au collège puis à l’université qui peuvent être rendus lamentablement inutiles par un échec. Que de suppositions on fait, que de fois on parle de cet événement redoutable qui approche, dans les foyers des étudiants, pendant les derniers six mois ; que de craintes on ressent, que d’espoirs on caresse.

Chez le père Duverger, on ne mettait pas en doute le succès de Louis, mais que de nuits sans sommeil passa madame Doré en pensant à Arthur.

Louis ne cessait pas de fréquenter la maison du docteur, en dépit de son redoublement de travail. Il trouvait même que ses visites le reposaient mieux que tout autre délassement. Et puis il commençait aussi à être avec Ernestine dans des termes qui n’auraient pas souffert de relâche dans les visites : ils étaient virtuellement fiancés et se considéraient comme promis l’un à l’autre.

Ils en étaient venus insensiblement à cette situation, par la force des circonstances, car leur roman, pour tendre qu’il fût maintenant, avait auparavant été quelque peu terre-à-terre, comme cela arrive assez souvent entre gens d’un caractère calme et posé. Louis n’avait guère connu que trois jeunes filles dans sa vie : Marcelle Doré, Marie Beaulieu et Ernestine. Il aurait aimé la première, mais il en avait été éloigné presque à son insu, en même temps que la même force imprévue le rapprochait d’Ernestine. Quant à Marie, elle eût été une excellente femme, quoique la mentalité de la jeune fille ne fût peut-être pas à la hauteur de la sienne, mais il n’avait jamais pensé à elle sous ce jour.

Les prévenances des parents d’Ernestine et les manières gracieuses et gentilles de leur fille avaient fait le reste.

Louis était le clerc du bureau de Larue, qui avait l’intention de le prendre comme associé aussitôt qu’il serait reçu, car l’avocat avait apprécié les qualités du jeune homme. Tout s’était donc arrangé à souhait et il ne restait plus à Louis qu’à passer ses examens pour que ses fiançailles fussent annoncées officiellement.

Il envisageait l’avenir avec sérénité, satisfait de ce que le sort semblait tenir en réserve pour lui et ayant conscience de l’avoir mérité.

Les examens d’été du Barreau se tiennent à Québec.

Le voyage enchanteur à la vieille Capitale, qu’un grand nombre d’étudiants font pour la première fois, adoucit quelque peu la terreur de l’épreuve.