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lui. Il ne l’invita que quand il sentit le besoin de sa société pour lui-même.

Louis, toujours bon garçon et ne songeant pas à la petitesse de caractère d’Arthur, vint le soir et invita à son tour le jeune Doré chez lui. Arthur s’arrangea pour aller le moins possible chez son ami, car il se croyait fort au-dessus des cultivateurs et l’intérieur du père Duverger lui déplaisait. Il attira Louis à la maison et le jeune Duverger vint y passer plusieurs soirées, pendant le reste des vacances.

Louis eut ainsi l’occasion de faire plus ample connaissance avec Marcelle, que son frère tenait généralement à l’écart, auparavant, quand un ami venait le voir.

La jeune fille fut heureuse de voir son frère se départir pour une fois de sa rudesse à son égard et l’appeler en tiers dans les conversations qu’il avait avec Louis. La vie retirée qu’elle menait lui faisait trouver un grand charme aux visites de l’étudiant, qui venaient rompre heureusement la monotonie des longues soirées d’hiver. Elle savait fort gré à Arthur de se départir de son égoïsme habituel et de ne pas accaparer son visiteur pour lui seul.

Arthur n’était pas toujours chez lui quand Louis arrivait et il en résultait que Marcelle tint souvent compagnie à Louis en attendant l’arrivée de son frère.

Le première fois, les deux jeunes gens furent un peu intimidés de se trouver en tête-à-tête, puis ils se mirent à causer sans embarras, en bons amis, et ils en virent à trouver délicieuses ces causeries qu’Arthur interrompait toujours trop tôt à leur gré.

Ils parlaient de leurs communs souvenirs d’enfance et leurs retours vers le passé les rapprochaient insensiblement. Car quoi de plus propre à réveiller et à animer l’amitié que d’évoquer les jours d’enfance, alors que l’on courait gaiement le long des routes de campagne, en se disant d’amicaux bonjours, alors que les distances sociales n’existaient pas encore et que l’on était heureux et simples de cœur ?

Marcelle était arrivée fort jeune à Saint-Augustin, où elle était demeurée depuis, excepté pendant les années scolaires qu’elle avait passées au couvent. Elle se rappelait comme si c’était hier ses premières rencontres avec Louis, qui était son aîné de quelques années et qui lui semblait alors un très grand garçon. Lui aussi se rappelait la frimousse éveillée de la fillette. Il se rappelait avec quel plaisir il contemplait ses traits fins et distingués, comme il était plein de respect et de considération pour elle, car elle lui semblait d’une race supérieure.

Leurs jeunes années avaient été marquées par un incident très romanesque, dont l’évocation faisait battre leurs cœurs un peu plus vite. Comme ils se rencontraient, un jour, la fillette fut poursuivie par un chien de forte taille qui sautait après elle, la mordillait et la renversait presque, à chaque bond qu’il faisait. L’animal n’était pas vicieux, mais il était enjoué ; ses caresses trop rudes effrayaient l’enfant qui voulut s’en préserver en fuyant ; mais ce fut pis, le chien crut qu’elle