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CHAPITRE II



Marcelle vivait à Saint-Augustin, avec sa mère, veuve d’un fonctionnaire du nom de Gustave Doré, et son frère Arthur, qui étudiait le droit à l’Université Laval et qui était comme Louis Duverger à la veille de commencer sa seconde année de cours.

Monsieur Doré s’était fixé à Saint-Augustin pour tâcher de rétablir sa santé fort compromise, mais il n’avait pu y réussir et il mourut au bout de deux ans, comme Arthur venait de sortir du collège. Il laissait peu de fortune à sa veuve, juste de quoi vivre bien modestement. Aussi madame Doré résolut-elle de continuer à demeurer à Saint-Augustin, avec sa fille. Quant à son garçon, pour lequel elle avait une grande tendresse, mêlée de beaucoup de faiblesse, elle l’envoya à l’université, ne voulant pas tenter de lui trouver de situation et voulant au contraire lui faire faire des études qui le conduiraient, elle en était persuadée, à un avenir brillant.

Arthur avait assez bon caractère, mais il était fort égoïste et d’une insouciance complète, avec cela aimant à s’amuser et n’observant pas la tempérance d’une façon bien sévère. Il lui eut fallu une direction ferme et de bons conseils qui lui manquèrent. Madame Doré avait beaucoup de jugement, mais elle ne connaissait pas la vie et n’avait pas du tout l’expérience des choses du monde. Elle n’était donc guère à même de maîtriser et de diriger le jeune homme. Au contraire, sa tendresse extrême, qu’Arthur connaissait trop bien et dont il abusait, la rendait absolument incapable de le contrôler.

Au reste, il est peu de mères qui soient douées des qualités nécessaires pour diriger un fils et les vertus héroïques des mères de Lacédémone et de Sparte, et, plus près de vous, des mères des guerriers des Balkans, qui ont étonné le monde, ne se trouvent pas souvent chez les femmes de nos sociétés modernes.

Et puis la mère, devenue veuve, est trop souvent désarmée en face de celui en qui elle croit voir la survivance d’un être aimé ; elle ne sait plus que chérir et choyer.