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CHAPITRE PREMIER



Les appels matinaux des oiseaux des forêts des Laurentides se faisaient entendre dans les arbres des côteaux auxquels s’accrochaient des écharpes d’une brume transparente, dorée par les premiers rayons du soleil ; des vallées encore pleines d’ombre montaient des rumeurs confuses, faites des meuglements sourds des bestiaux qui secouaient la torpeur de la nuit, du cliquetis des ruisseaux coulant sur les pentes rocheuses et du bruissement des feuilles qu’agitait doucement la brise du matin. Un à un les sommets s’estompaient, prenaient des contours lumineux ou sombres, selon qu’ils portaient des moissons aux teintes dorées ou des sapins verts. De la terre en travail et des arbres résineux s’exhalaient d’âcres parfums qui se mariaient en une enivrante odeur, à la fois agréable et vivifiante.

Des toits se dessinèrent, un clocher s’allongea démesurément dans le ciel parfaitement pur et tout le coquet village de Saint-Augustin se révéla, encore endormi, mais pleins des couleurs riantes et gaies du jour.

Un angélus tinta joyeusement dans l’air froid des montagnes ; et pendant que le malheureux sacristain, tout grelottant, faisait envoler les vibrations sonores et mesurées du clocher d’où fuyaient des hirondelles effarouchées qui tournoyaient gracieusement, aveuglées par le soleil levant ; pendant que les voix claironnantes des coqs se répondaient, à quelques instants d’intervalle, d’une ferme à l’autre ; pendant que se faisaient entendre les aboiements solitaires d’un chien affolé par les sons qui avaient succédé au silence de la nuit, le village continuait de dormir.

Peu à peu cependant des portes s’ouvrirent et se refermèrent, la campagne se peupla, bêtes et gens se réveillèrent.

Bientôt le village lui-même s’anima et les trottoirs de bois, couverts d’une légère couche de givre, craquèrent sous les pieds des premiers passants.

Sur la ferme de Gustave Duverger, à l’extrémité du village, on