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dans les bois, criblant d’une pluie de rayons les amoncellements de feuilles sèches. À peine si par endroits une anémone blanche avait jailli de la terre. Seulement des chatons, une sorte de chenille grisâtre pendait aux branches des noisetiers et les massifs de cornouillers étaient comme saupoudrés d’une fine poussière jaune. Cela aussi était une fleur étrange dans ce pays froid, une sorte de mimosa plus pâle et plus grêle que l’autre.

Jeanne, se rapprochant de Marthe, lui dit tout bas à l’oreille :

— J’en sais une qui est contente. On va voir son galant !

On dansait tout au fond de la prairie sur un plancher construit à la hâte, aux sons d’un crin-crin tenu par un petit homme rageur, qui battait la mesure à coups de talon. La musique se perdait tout de suite dans cette étendue… Elle avait l’air d’un pauvre chant de grillon, perdu entre deux mottes de terre.

Du premier regard, Marthe aperçut Pierre au milieu des autres garçons. Il portait beau comme toujours et les boucles blondes de sa chevelure, soigneusement arrangées, avaient cet éclat soyeux qui plaisait tant. Marthe ne l’avait pas vu depuis longtemps et il lui paraissait encore plus grand, plus large de carrure. C’est vrai qu’il avait forci là-bas.

Elle le regardait longuement, ne pouvant être aperçue de lui.

Il avait bien l’air d’être le roi du bal, avec cette assurance qui ne le quittait jamais, sa haute taille qui dominait tous les autres, ses mouvements aisés de beau danseur. Il avait une façon de prendre la main de sa