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sortir du vieux mur. D’autres, comme fêlées, étaient plus lointaines : une autre tintait faiblement dans un village très éloigné, que Marthe voyait très bien dans sa pensée, blotti dans un creux du plateau lorrain, au milieu des labours et des champs de luzerne.

Puis la cathédrale jeta au milieu de ces carillons le son grave de son bourdon, lancé à toute volée.

Elle passa toute cette journée dans la fièvre et dans l’attente. Pierre rentrerait sûrement ce soir-là.

Elle voulait être belle, le lendemain. Tirant de la grande armoire la robe qu’elle avait préparée, elle l’étalait avec précaution sur le lit, craignant de la froisser. Elle essayait aussi le bonnet qui lui allait à ravir, mettant autour de ses cheveux fins l’envolement de ses rubans et les plis légers de ses ruches. Elle allait se regarder dans une vieille glace, un peu trouble dans son cadre de bois dédoré ; l’étain rougi par le temps laissait de grandes places sans reflets : alors son image lui apparaissait lointaine.

Le soir était venu. Un chant hésitant et triste monta du fond des chènevières : une alouette au creux d’un sillon jetait, avant de s’endormir, un petit cri effaré, déconcertant dans la nuit, lui qu’on entend d’habitude dans l’air bleu et la lumière. Cela seul annonçait la tiède saison, cela et une danse grêle de moucherons rayant la ligne d’or du couchant.

Des pas sonnèrent dans la ruelle. Les deux pêcheurs rentraient, chargés de leur attirail. Marthe attendait, cachée derrière les rideaux de sa fenêtre. Pierre leva les yeux, comme s’il l’eût cherchée là, dans la nuit.