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humide, les labours détrempés, où du soleil ruisselait par moment au creux des sillons. Une vague rumeur montait, un bruissement confus qui était comme un murmure de vie recommençante.

Tout contre le mur, à l’endroit où le toit de la maison touchait presque la terre, un rucher s’adossait, vermoulu, à demi effondré. Des pousses de coudrier l’étayaient, qui se couvraient en cette saison de chatons jaunâtres, pareils à des chenilles. Des ruches pourrissaient sur les rayons de bois : une pourtant, toute neuve, était pleine d’une rumeur bourdonnante. À chaque instant, des abeilles en sortaient, déployant leurs ailes fripées, planant dans un rayon de soleil, et allant s’abattre dans la corbeille d’argent qui garnissait une plate-bande, elles commençaient leur récolte.

Marthe ne se lassait pas de les regarder ! Elles portaient dans la vibration de leurs ailes un peu de cette joie immense du renouveau. Combien de fois elle avait suivi, par les journées chaudes, leurs allées et venues d’ouvrières infatigables. Alors leur bourdonnement continu lui montait à la tête, endormait ses pensées, et il lui semblait que des myriades d’existences s’ouvraient en elle, éparpillées avec le vol des insectes, au hasard des monts et de la plaine.

Tout à coup les cloches se mirent à sonner.

Elles étaient donc revenues, les cloches de Pâques ! Leurs sons emplissaient la vallée ; d’autres cloches lointaines répondaient, comme provoquées. Marthe les reconnaissait : les unes avaient un carillon de cristal qui, porté sur les eaux, semblait grandir avec les sautes du vent. Il y avait des moments où les sons semblaient