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souvenir de l’étreinte caressante, dans la « bougerie » ouverte aux vents, près du jardin trempé de pluie.

Elle croyait entendre le son de sa voix, elle revivait les minutes fugitives, elle lui pardonnait. Et prise d’un élan de tendresse, elle courait s’enfermer dans sa chambre, tirait les rideaux, faisant le silence et la nuit autour d’elle, pour mieux savourer la volupté de cette évocation.

Des chiens aboyèrent à l’entrée de la Creuse. On eût dit que tous les mâtins du village s’étaient donné rendez-vous, faisant sonner leur large coup de gueule, et, quand ils se taisaient, on entendait le grondement rageur des petits roquets, qui ne décoléraient pas.

Dorothée, qui travaillait avec Marthe, s’avança sur le seuil pour voir ce qui pouvait causer une telle émeute. La petite Anna la suivit, risquant un œil curieux, cachant sa tête blonde dans les jupes de sa grand’mère.

Au milieu de la rue, se tenait un être à l’aspect hirsute. Tout son visage était empreint d’une stupeur, comme s’il eût été idiot. Sa peau hâlée avait les tons rouges de la brique. Vêtu de loques grisâtres, couvertes de la poussière des grands chemins, ses paupières flétries clignaient dans le grand jour : des rosaires à gros grains de buis, des chapelets de médailles, dont les lourdes torsades pendaient à sa ceinture, entouraient ses jambes de leurs écheveaux compliqués.

Il portait sur son ventre une grande caisse de bois blanc.