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du vieux, pareille aux voix qu’on entend dans les rêves, qui lui donnait des explications.

Machinalement elle répétait : oui, je sais bien, je sais bien, pour lui donner le change et dissimuler sa douleur.

L’autre continuait :

— Paraît qu’ils avaient affermé sur la Meuse un lot de pêche. Alors y sont partis dans le gros de l’hiver. Dame, vous comprenez, y faut bien gagner sa vie…

Marthe étouffait ; elle sortit.

Elle n’avait pas fait quatre pas, qu’elle s’écroula au bord du chemin. Il se faisait un grand vide dans sa tête. Et dans le désarroi où chaviraient ses idées, il lui semblait qu’elle n’aurait plus la force de se lever, qu’elle ne saurait plus retrouver son chemin, et qu’elle allait errer, lamentable, dans la nuit, comme une bête perdue.

Tout près de là, dans une vigne, des feuilles sèches que le vent froissait contre un échalas faisaient un petit bruit inquiet. Elle l’écoutait machinalement, distraite un instant, n’ayant même plus la force de sentir. Et voilà que les souffles chauds, la respiration de la nuit, éveillant de lointaines associations, rappelant les soirs fleuris, l’odeur des lilas, le bruit de la boule sonnant sur les quilles, la rejetèrent dans son passé d’amour et lui navrèrent le cœur d’une indicible tristesse.

Elle pleurait. Les heures, tombant du clocher, s’égrenaient dans la nuit.