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comme s’il avait eu une idée, qu’il gardait à part lui.

Elle, non plus, n’osait aborder ce sujet, craignant de le mécontenter. Elle attendait l’avenir, espérant sans trop savoir quoi. Elle le voyait, elle l’entendait, cela lui suffisait pour le moment, et cette inquiétude qui se mêlait à ses pensées d’amour avait, après tout, sa douceur.

Elle arrivait devant la maison des Noel. La façade endormie se détachait en noir sur le ciel. Aucune lumière ne filtrait par les persiennes closes. Marthe tressaillit, secouée d’un étrange pressentiment.

L’heure, pourtant, n’était pas avancée ; d’habitude elle frappait doucement la porte : à ce signal Pierre venait la rejoindre, et ils causaient, serrés l’un contre l’autre, sous le ciel criblé d’étoiles.

Elle entra dans la grande cuisine, le loquet de la porte ayant cédé sous sa main.

Un toc-toc ébranla le plancher de la chambre voisine, et le marinier infirme apparut, attiré par le bruit, portant à la main une lampe à pétrole dont le verre était noir de fumée.

Il se tenait devant la jeune fille, attendant qu’elle parlât.

— Comme ça, vous êtes seul, monsieur Guillaume ?

— Mais oui. Les maîtres sont partis depuis une huitaine.

Marthe s’appuya au manteau de la cheminée.

La lampe fumeuse, les chaises de bois, la figure du marinier, tous les objets environnants tournoyaient à ses yeux, défilaient dans une ronde fantastique. Et tandis que sa main ébauchait des gestes de noyé qui se raccroche à une branche, elle entendait la voix