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commandé et, selon son habitude, elle faisait un détour, pour voir Pierre Noel et causer un peu avec lui.

Depuis plusieurs jours, elle ne l’avait pas vu. Le temps lui paraissait long.

C’était une nuit tiède de janvier. Des nuages fins volaient sur la lune. Un souffle chaud descendu des collines fondait les vieilles neiges amoncelées dans les vignes. Les « chanettes » des toits s’égouttant dans l’ombre faisaient entendre un clapotement. Ces murmures de vie recommençante, cette tiédeur inattendue, cette torpeur hivernale qui doucement s’éveille, mettent au cœur de la nuit, dans ces pays du Nord, une douceur inexprimable.

Gagnée par ce charme profond, la pauvre fille se prenait à rêver.

Ils avaient eu de bonnes journées, au cours de cet hiver. Ils avaient dansé ensemble à la fête de la Saint-Vincent, une fête de vignerons très gaie, très bruyante, avec sa procession qui s’avance dans les rues encombrées de neige, le long des maisons où des stalactites de glace pendent au rebord des toits. — Ils s’étaient promenés aussi, par les après-midi de dimanche clairs et froids sur les bords de la Moselle, poussant même jusqu’à la forêt, scintillante et magique, sous le givre cristallisé qui s’attachait aux branches. — Ils se taisaient, remués par le silence illimité des combes, par cet engourdissement des bois morts, des clairières blanches, où ne montait aucune fumée, où ne sonnait aucun bruit.

Pierre était très doux avec elle, se répandant en menus soins. Pourtant il ne se décidait pas à lui parler de mariage, évitant les conversations sérieuses,