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nappe de linge blanc qui tirait l’œil. La lumière, entrant par les vitres, chauffait la pièce, miroitait sur les landiers de fer, accroupis au fond de l’âtre, sur la tête de l’alambic et sur les bassinoires de cuivre, alignées sur des rayons et qui, soigneusement astiquées pour la circonstance, flamboyaient dans l’ombre comme des soleils.

Un grand lit occupait tout le fond de la pièce, large et monumental, sous son plumon de toile bleue, un de ces lits où des générations entières ont passé, depuis la naissance jusqu’à la mort.

On attendait les jeunes gens et on leur fit fête, car lorsqu’ils entrèrent, ils apportaient avec eux un tel rayonnement de jeunesse et de fraîcheur que la chambre en fut égayée.

Le repas commença.

Ce fut un de ces repas lorrains avec un défilé de plats interminable, qui assoient au bord de la table les robustes appétits, les assoupissent dans la béatitude des digestions commencées. Le meunier avait tué un cochon pour la cérémonie ; on savoura le boudin finement parfumé de « sanriotte », la grillade et les « fricodelles ». On s’observait d’un bout de la table à l’autre, et on ne disait mot dans la crainte de perdre un coup de dent, mais le vin délia les langues et les conversations commencèrent.

Un chasseur avait apporté un lièvre ; le civet fut déclaré excellent. L’homme racontait les incidents de la chasse, mimait la surprise de son chien tombant en arrêt sur le gibier caché sous un pied de betteraves, soulevait les rires de l’assistance par ses gestes amusants, sa verve encombrante et passionnée.