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mélancolie, au milieu des labours sans fin, alignant leurs sillons de terre brune.

Les deux jeunes gens parlèrent tout d’abord de choses indifférentes, n’osant faire allusion à leur entrevue nocturne dans le hangar. Sérieux et compassés, ils affectaient des façons de parler cérémonieuses, se demandaient gravement des nouvelles de leurs familles. Mais des mots, qu’ils prononçaient, prenaient un sens mystérieux, créaient entre eux une sorte d’entente, et comprenant qu’ils avaient la même pensée qu’ils n’osaient se confier, cette certitude leur était douce.

Marthe surtout se répétait les paroles qu’ils avaient échangées dans leur dernière entrevue, leur trouvant à chaque fois une saveur renouvelée. Et de temps à autre elle risquait un regard timide de son côté.

Il marchait crânement au milieu de la route, ayant toujours son air d’assurance et de fierté. Des mouvements de joie, s’emparant de la jeune fille, lui donnaient des envies de courir. Il lui semblait que si elle avait voulu s’élancer, ses pieds n’auraient pas touché le sol. Mais elle réprimait toute cette fougue, et la contrainte qu’elle s’imposait augmentait la véhémence de sa joie.

Ils arrivèrent au moulin pour midi.

La table était mise dans une grande salle du rez-de-chaussée, servant à la fois de salle à manger et de cuisine : une grande table comme pour une noce. Des invités venus des villages voisins, des paysans riches, des fermiers vêtus de blouses bleues ornées de broderies blanches aux poignets et aux épaules, secouaient la tête d’un air de satisfaction devant les préparatifs du repas, les victuailles amoncelées sur le dressoir, la