Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des sillons, donnait l’illusion d’une splendeur fugitive de printemps.

Dominique défonçait un carré de terre dans son jardin. Il s’arrêta, et croisant ses mains sur le manche de sa bêche, il dit tout haut, les yeux clignotant dans la lumière :

— C’est l’été de la Saint-Martin.

Il souriait, ragaillardi par cette chaleur d’automne qui ranimait ses vieux os, et il faisait de temps à autre un petit signe d’amitié dans la direction de Pierre, dont la haute taille s’encadrait dans la fenêtre.

La maison, elle aussi, semblait réchauffée par cette dernière flambée de soleil. La façade luisait, éclaboussée de rayons, la façade ventrue que les pluies d’automne avaient rayée de taches grises, qui, lassée par la vie, elle aussi, se laissait à demi crouler au bord du chemin, avec un air d’abandon. Le faîte des tuiles moussues, s’incurvant comme l’échine d’une bête lasse, se découpait joyeusement sur le ciel d’un bleu profond. On avait planté à l’angle du mur une borne massive pour le préserver de la roue des chariots. Et sous l’auvent du toit, une perche suspendue à deux bouts de filin supportait ces rangées de mottes qu’on fabrique avec du marc de raisin, et qui servent à entretenir les feux de l’âtre, à la veillée.

Pierre allait et venait dans la chambre, maussade, s’abîmant dans une morne contemplation. C’était toujours ainsi depuis quelque temps. Une tristesse vague répandue dans tout son être l’appesantissait, le laissait inerte et somnolent sur une chaise, pendant des heures.

La monotonie de son existence pesait lourdement sur lui.