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Marchant à pas muets, pour ne pas éveiller les dormeuses, le garde s’approcha du lit ; avec toutes sortes de précautions, il rabaissa le drap, qu’on laisse sur la tête des morts, par un usage ancien.

Alors, il regarda la morte longuement, s’emplissant les yeux de ses traits, pendant les quelques instants qu’elle avait à rester sur la terre. Et une tristesse rêveuse, un hébétement l’envahissait, qui remplaçait le premier paroxysme de la douleur.

Elle paraissait dormir. Comme si le charme profond et consolateur de la mort s’était insinué en elle, à la longue, rassérénant ses traits et effaçant de sa physionomie l’expression d’horreur dernière, comme si elle s’était apaisée dans l’au-delà, une vague quiétude planait sur son visage, où la lueur de la bougie mettait une vie mystérieuse.

Cela aussi le consolait, sans qu’il sût trop pourquoi, de la voir aussi calme, comme si elle était endormie.

Il baisa ce front, qui ne tressaillit pas. Appuyé sur le bord du lit, comme il faisait quand il allait lui dire bonsoir, dans sa chambre, et qu’elle était toute petite, il prit sa main inerte, essayant de la réchauffer.

Elle ne remuait plus, elle ne parlait plus, elle ne vivait plus. Sa poitrine n’avait plus ce soulèvement égal, qui est le rythme de la vie. Il la regarda encore une fois, et subitement il fut traversé par un élancement de douleur, comme s’il venait seulement de comprendre qu’elle était morte. Jamais on n’entendrait ce rire, ce rire franc qui était la joie du vieux, et qui l’attachait à la terre. Maintenant qu’elle était morte, la vie continuait, le monde existait toujours, comme si rien ne