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aux menus propos de leurs existences chétives de paysannes, comme si la chose était ordinaire. Et c’était, sur le compte de Pierre, des récriminations et des invectives, faites sur un ton colère, un peu contenu cependant, par le respect dû aux morts. De fil en aiguille, la conversation s’en allait cahotée vers des préoccupations étrangères, jusqu’au moment où on s’en apercevait, et il se faisait tout à coup un grand silence gêné, plein de la présence de la morte.

La nuit vint : la veillée continuait. Le père et la mère Thiriet prirent place au chevet de la morte, s’efforçant de tenir tête à leur chagrin, pour répondre aux politesses.

On leur conseillait de prendre un peu de repos pour les fatigues de la journée qui allait venir. Ils refusaient avec un hochement de tête, triste et volontaire.

Quelques vieilles, qui tricotaient des bas, en femmes habituées à ne pas perdre de temps, cessèrent peu à peu le mouvement monotone de leurs aiguilles. Leurs têtes lassées tombèrent sur leurs poitrines. Une même ronfla !…

La flamme de la bougie, tirant à sa fin, projeta tout à coup une lueur mourante, mystérieuse, presque surnaturelle. Et, dans cette flambée dernière, une grande ombre frôla le mur, animée soudain d’une agitation vivante, d’un mouvement inattendu, comme si la morte avait remué sous les plis du drap recouvrant sa forme rigide. Mais quand le garde eut allumé une autre bougie, tout rentra dans l’ordre, et il n’y eut plus au chevet de la morte que ce ronflement lassé, cette veillée douloureuse des vieux, et la nudité des murs blancs, sur qui passaient des ombres impalpables.