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Pierre fut exact au rendez-vous.

Dès qu’il arriva, Thérèse le prit par la main, et, mettant un doigt sur ses lèvres, le conduisit dans sa chambre.

— Mes parents sont partis à la ville, dit-elle ; c’est pour cela que je vous ai demandé de venir.

Le timbre de sa voix était changé ; une émotion contenue la faisait vibrer étrangement.

Dans ce logis flottait une odeur insaisissable et qu’il reconnaissait bien, qui était son odeur à elle, et cela mettait dans ses sens le trouble d’une possession vague, à la fois décevante et réelle. Sur une étagère étaient rangés des vases de faïence peinte, aux couleurs un peu ternies par les souffles qui montent des eaux courantes. Un grand lit, voilé d’un nuage de mousseline, emplissait la pénombre de sa blancheur.

Ils étaient assis si près l’un de l’autre, que leurs membres se frôlaient à chaque mouvement.

Elle lui disait des choses vagues et douces, lui confiant la tristesse qui l’envahissait les soirs où elle ne le rencontrait pas. La veille, elle avait eu beau le guetter, la journée s’était passée, lui laissant au cœur un vide inexprimable. Le soir, elle s’était glissée dans les jardins et avait regardé longuement la petite fenêtre éclairée, dans la façade de l’auberge silencieuse. Quand la lucarne s’était éteinte, il lui avait semblé que son chagrin redoublait. En parlant ainsi, elle n’avait pas l’air de réfléchir, conservant cette tranquille audace qui charmait Pierre et l’effrayait un peu.

Il faisait bon dans ce logis étroit, sans cesse rafraîchi par l’haleine qui montait des eaux tournoyantes. On entendait le murmure incessant des flots, qui couraient