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de réséda, déjà flétris au fond de l’enveloppe, comme un souvenir discret et fidèle.

Il y avait bal, ce soir-là, à l’auberge de l’Ancre de Marine, dans la grande salle du premier étage.

Rien qui rappelât les assemblées du Val-des-Nonnes, avec leurs paysannes rougissantes, leur petite musique perdue dans l’immensité des bois : c’était quelque chose de plus âpre, de plus brutal, de plus fort.

Les rauques éclats des instruments de cuivre couvrant le nasillement triste de la clarinette, scandaient le trépignement des pieds, secouant le plancher sonore. Des cris montaient, des appels qu’on se lançait d’un bout à l’autre de la salle. On entendait un lourd piétinement de bottes ferrées, et par moments, dans la ronde endiablée où se débattait la cohue, éclatait un tel vacarme que des parcelles de plâtras et de bois vermoulu, détachées du plafond, tombaient en fine poussière sur la tête des danseurs.

La clarté fumeuse des quinquets vacillait dans le nuage de poussière qui montait du plancher, bien qu’un garçon d’auberge vînt l’arroser par moments, dessinant sur le parquet un entrelacement de rosaces compliquées.

Pierre se sentait mal à l’aise au milieu de cette foule où il ne connaissait personne. Il était venu là pour se distraire un peu, poussé par ce goût du plaisir qui était le fond de sa nature. Il restait près de la porte, sous les lampions de papier rouge qui décoraient l’orchestre, l’air ennuyé, les mains dans les poches,