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qu’elle finirait par triompher de cette humeur vagabonde, par le fixer pour toujours auprès d’elle, à force de dévouement et de tendresse silencieuse.

S’il venait à savoir un jour qu’elle avait tant pensé à lui, n’aurait-il pas un peu de pitié, cette pitié qui réchauffe le cœur et l’achemine doucement vers l’affection ?

Elle ne voyait pas toutes ces choses, bien sûr, car elle n’était qu’une pauvre fille, qui n’avait pas l’habitude de se regarder vivre. Elle les sentait plutôt vaguement et fortement, et il se faisait en elle un mélange confus de tristesses et d’espérances.

N’avait-elle pas réussi déjà une première fois à faire surgir en lui un grand élan d’amour sincère ?

C’était encore à la fin d’un jour de printemps, par un crépuscule baigné de lumière blanche. Le soir s’attardait sur les prés, l’air était bleu, des branches d’églantier effeuillaient au vent des pétales roses, qui tourbillonnaient. On avait fêté ce jour-là sainte Walburge, la patronne du village. Chaque année, il y a une heure exquise, quand la fête bruyante retombe à l’intimité d’une réjouissance familiale. La cohue de soldats, de citadins qui se bouscule dans la poussière s’est évanouie, les détonations des tirs forains se sont tues, et les chevaux de bois ne tournent plus, cachés par la toile blanche qui enveloppe le manège.

Toutes les visions du passé lui revenaient une à une.

Par les fenêtres ouvertes à la tiédeur du soir, on voyait des familles attablées, des gens en bras de chemise. Des enfants soufflaient dans des trompettes : on choquait des verres pour des santés interminables. Parfois un paysan descendait l’escalier de sa cave, une