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vieille famille du pays, dure et résistante, dont les descendants avaient peuplé le val et le plateau, laissant dans chaque village trois ou quatre parents, portant le nom de Noel.

Cela faisait des frais, au moment de se mettre en ménage. Mais le vieux Dominique tenait bon. On ne ferait pas l’affront d’inviter les uns et pas les autres. On l’avait prié à tant de noces, au cours de son existence, que, le moment étant venu de rendre ces politesses, il ne se ferait pas remarquer par sa ladrerie. On ferait comme tout le monde, c’était bien entendu, et on n’irait pas chercher le voisin, pour payer la dépense.

Les fiancés allaient d’une maison à l’autre, retrouvant partout le même accueil franc, les mêmes politesses. On buvait le vin des récoltes fameuses : Marthe trempait à peine ses lèvres dans le verre ; Pierre, à qui le jus de la vigne ne faisait pas peur, tenait tête aux santés qu’on lui portait.

Mais comme c’était un gars solide, dont le coffre était bon, à peine s’il avait les jambes guillerettes, quand ils revenaient au soir, seul à seule, dans le grand silence des campagnes. C’était une griserie légère, qui se devinait seulement, à son œil plus vif, à son teint allumé, à son étreinte plus robuste. Alors il empoignait Marthe par la taille et il la faisait sauter, le long des enclos. Les pierres roulaient sous leurs pas, le long des pentes rocailleuses. Une caille surprise se levait du creux d’un sillon et partait dans un froufrou d’ailes. La chanson de Pierre montait, large et sonore, vers les premières étoiles.