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rideaux, verdies par l’humidité qui monte des terres. C’était Dorothée qui veillait bien avant dans la nuit, filant le chanvre des laboureurs, usant ses pauvres yeux à la clarté vacillante d’un lumignon de fer, comme on en avait dans les temps anciens. Ayant versé un peu d’huile sur une mèche d’étoupe, elle accrochait le lumignon par une crémaillère de fer au manteau de la cheminée, et le rouet tournait, tournait sous la flamme grésillante.

On laissait les jeunes gens bien tranquilles. Car on a confiance dans les amoureux qui se sont promis le mariage ; on sait qu’ils prendront la peine d’attendre. Et quand la mère Catherine allait se coucher, elle venait leur donner le bonsoir et leur recommandait de ne pas s’attarder, par peur du « serein » qui tombe dans les nuits fraîches.

D’ailleurs, contre les murs lézardés, vaguement blanchis par la lune, sur les bancs vermoulus, il y avait partout d’autres groupes pareils à celui qu’ils formaient, des groupes enlacés de très près et qui échangeaient des caresses et des propos d’amour. Moins chastes, sans doute, et se proposant des fins moins honorables, car la saison était revenue où les filles du plateau lorrain descendent dans la vallée de la Moselle, pour travailler aux menus ouvrages de la vigne, nouer les ceps aux échalas avec un brin de paille, ou émonder les feuilles naissantes ; de belles filles brunes, pas trop farouches, habituées à courir de village en village. Les jeunes garçons les serraient de près et le bruit des baisers et des chuchotements passait dans la nuit, déjà tout alanguie d’invisibles tendresses. Cela même, sans que Pierre et Marthe