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présence, ils faisaient des projets d’avenir, ils avaient la divine inconscience de la force et de la jeunesse.

Maintenant Marthe se transfigurait ; un grand charme, lumineux et doux, s’exhalait de toute sa personne.

Maigriotte jusque-là, n’ayant qu’un certain attrait d’enfant un peu souffrante, elle était devenue tout à coup, sans qu’on pût se rendre compte de cette métamorphose, une belle fille au teint mat, aux yeux noirs, dont l’allure balancée mettait au cœur des jeunes gars un désir. Ils se retournaient sur son passage, et la suivaient des yeux, jusqu’au moment où elle avait disparu au tournant des ruelles, sous les sureaux en fleurs.

De larges lueurs passaient dans ses prunelles, des lueurs sombres comme le reflet des eaux endormies dans la profondeur des bois, et l’enfant devenant femme, toute l’expression et la vivacité spirituelle de ses traits avaient fait place à quelque chose de plus doux de plus fort. Sous le tissu nacré et vivant de sa peau, on ne voyait plus les veines bleues, qui, transparaissant jusque-là, donnaient à sa physionomie un caractère de faiblesse, qui émouvait.

Ses cheveux, non plus envolés autour de ses tempes en frisons fous, chargeaient sa nuque de leurs lourdes torsades. Il y avait de la joie dans tout son corps, dans sa démarche, dans les inflexions de sa voix et dans ses silences, une joie impalpable qui émanait d’elle, comme le parfum sort des fleurs.

Les vieux paysans en étaient frappés, eux qui