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le cou. Il avait dû grimper le long du mur, s’agrippant aux ferrures des volets, et ses souliers avaient éraflé la pierre, laissant des traces de son escalade périlleuse.

Jadis au temps des « Trimazôs », alors que la poussée des sèves réveille au cœur des hommes l’instinct de la fécondité et de la vie, les amoureux venaient planter sous la fenêtre de la promise des mais bruissants, des branches de feuillages symboliques, qui étaient une déclaration d’amour. Mais cet usage s’étant perdu, la coutume de l’offrande des fleurs subsiste encore.

Assise à sa fenêtre, dans un grand fauteuil d’osier, Marthe rêvait. Ses regards tombaient de temps à autre sur l’énorme bouquet qui s’épanouissait dans un rayon de soleil. Alors elle le prenait, et le respirait longuement, dans une sorte d’ivresse confuse. Les fleurs avaient l’air d’enfermer une pensée mystérieuse. Marthe croyait deviner l’auteur de l’offrande ; un nom venait à ses lèvres, qu’elle n’osait prononcer, dans une pensée superstitieuse. Était-ce Pierre ? Des rêveries, des plans, des projets de toute nature s’échafaudant dans sa tête, le vague même de sa joie la lui rendait plus douce, lui donnant la sensation qu’elle remplissait les profondeurs de son être.

Elle se sentait lasse, délicieusement lasse, comme à l’approche d’un grand bonheur, et des pensées si ténues, si fragiles, si ineffablement délicieuses se levaient en elle, qu’elle n’osait même pas se les avouer, dans la crainte de les faire évanouir.