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le feu. Une mare s’ouvrait au pied, obstruée de roseaux et d’oseilles sauvages ; des masses spongieuses de mousses verdâtres y flottaient, tandis qu’un grouillement prodigieux de larves et d’insectes animait les profondeurs de l’eau.

La vieille se mit à dévisager Marthe, attentivement :

— T’as pas bonne mine, ma pauvrette, lui dit-elle. À quoi que ça sert, de se faire de la bile comme ça ?

Marthe ne répondit pas. Une larme tremblait au bout de ses cils : son menton s’effilait et les ailes de son nez avaient la pâleur transparente des pétales de marguerite, que la petite Anna effeuillait dans sa corbeille.

La vieille ajouta :

— T’as bien tort de te manger les sangs pour un vaurien pareil.

Puis elle retomba dans sa rêverie : ses yeux vitreux s’ouvrant à la clarté du jour, elle contemplait, avec des hochements de tête satisfaits, la beauté des terres reverdies. Tout partait : arbres à fruits dans les vergers, vignobles sur la côte, seigles déjà grands qui ondulaient. Toute cette chaleur, qui pénétrait la terre, apportait à la vieille une sensation de réconfort ; elle respirait plus fortement, et il lui semblait qu’un bien-être envahissait ses vieux os.

Marthe tressaillit.

Dans une pièce de terre, coulant par une pente insensible vers l’autre bord de la mare, Pierre et la Renaude venaient d’apparaître. Ils travaillaient de compagnie à retourner les « andons » de seigle qu’on avait fauchés pour les donner au bétail. Ils s’avançaient à pas égaux, secouant les tiges drues avec leurs fourches,