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À quelques mètres, des lapins jouaient dans un champ avec des cabrioles et des bonds désordonnés. Des tout petits se tenant drôlement sur leurs derrières, lissaient leurs museaux d’un mouvement rapide de leurs pattes, tandis que des vieux tournaient autour des touffes de chiendent, coiffés de leurs oreilles comme d’un bonnet.

Puis ce fut un grand lièvre qui déboucha, franchissant d’un bond des champs entiers. Il monta la côte, sembla grandir à mesure qu’il s’éloignait, et quand son ombre se détacha sur le ciel encore clair, il parut emplir tout l’horizon, comme une bête monstrueuse.

Amusé par la confiance de ses protégés, le vieux garde riait :

— Ah, les gaillards, comme ils s’en payent ! Attendez l’ouverture de la chasse.

Tous les soirs, Marthe allait se mettre sur le passage de Pierre, à l’endroit où ils attachaient leur barque dans les roseaux.

Sans doute, il fallait avoir peu de fierté pour agir ainsi. Les gens qui la voyaient devaient se moquer d’elle. Cela lui importait peu. Elle n’avait plus qu’un désir, le voir, respirer l’air qui l’avait frôlé. Et dans le naufrage où sombraient ses rêves de bonheur et ses projets d’avenir, cela seul subsistait, ce besoin énergique et vivace.

Cette seule attente la faisait vivre, lui donnait la force de se traîner d’un jour à l’autre, inerte et sans pensée aux heures de clarté, ne retrouvant un peu de