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roule dans les feuilles, et se cache pour mourir.

Son père finit par s’inquiéter. Le vieux soldat ne comprenait pas qu’on se laissât aller, qu’on eût si peu de courage. C’était trop bête à la fin, de se manger les sangs pour un pareil freluquet. Un beau merle que ce Pierre, et qui vraiment avait trop l’air de s’en croire ! Avec ça que beaucoup d’autres ne seraient pas bien aises d’épouser une belle fille, vaillante à la besogne, et qui apportait de l’argent. Un de perdu, dix de retrouvés. Cette tendresse bourrue qui accablait Marthe d’exhortations maladroites, histoire de la secouer, lui faisait mal, comme une main brutale, qui aurait froissé ses membres endoloris. À tous ces propos, elle ne répondait rien, se contentant de secouer la tête, et sortait brusquement de la chambre, pour cacher ses larmes.

En attendant elle dépérissait. Des tons de cire envahissaient son front et ses tempes, et ses yeux paraissaient agrandis, cernés de meurtrissures bleuâtres. Des lassitudes la prenaient, qui lui coupaient les jambes. Elle se plaignait de n’avoir de goût à rien, et quand elle avait fait quelques pas, elle était forcée de s’asseoir, comprimant de la main les battements de son cœur. Tous les gens du village lui trouvaient mauvaise mine.

Un matin, le vieux garde, qui se préparait à partir pour sa tournée, la vit assise sur sa chaise, les mains désœuvrées, le regard perdu dans le vide, prête à retomber dans la morne obsession, qui, tout au long des jours, tournoyait dans sa tête.

— Allons, ma fille, lui dit-il, faut te secouer un peu. Ça ne te fera pas de mal de prendre l’air. J’ai justement deux tranchées à mettre à l’alignement. Tu