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un peu méfiant qu’ont les simples pour les représentants de l’autorité, pour ceux qui portent des képis galonnés, et des plaques, sur leur blouse.

Le charretier parla des élections qui approchaient. Ça faisait du bruit à la ville. Le parti réactionnaire voulait opposer une candidature à l’ancien député, un bon garçon qui avait la poignée de main facile, dont la voix sonore donnait un air de profondeur aux banalités qu’il débitait. Les curés, pour lui faire pièce, avaient choisi un ancien notaire, un homme très riche qui portait une décoration du pape et servait comme brancardier, aux pèlerinages de Lourdes.

Le charretier s’animait, tapait du poing sur la table.

Certes non, il ne voterait pas pour celui-là. La religion était bonne pour les femmes que ça amusait, les dimanches, et pour les enfants, qui en avaient besoin pour grandir dans le respect des parents. Mais il ne fallait pas que les curés reprennent le dessus, comme au bon vieux temps, et soient les maîtres des eaux et de la terre.

Tous étaient de son avis, devenus sérieux subitement devant cette chose mystérieuse et profonde, la politique. Le vieux charbonnier se murait dans son silence, les mâchoires serrées et les yeux tout songeurs, comme s’il avait eu trop de pensées pour les exprimer clairement.

Enfin la conversation prit fin ; le charretier retourna à la ville et le garde redescendit vers le village, par les chemins caillouteux, qui serpentent entre les vignes. Les charbonniers mangèrent leur soupe du soir dans leurs écuelles de terre brune. Ils buvaient à la régalade à même une cruche de fer-blanc, pleine de l’eau d’une