Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lons de sa fenêtre, pendant qu’un compère laissait dégringoler, sur le pavé des caniveaux, un grand morceau de verre à vitre. On eût dit que la fenêtre s’effondrait. C’était un pourchas éperdu dans la nuit ; le vieux galopait, pareil à un fantôme dans sa chemise blanche, dont la bannière flottait au vent ; il galopait de toute la force de ses jambes maigres.

Quelquefois ces histoires finissaient mal. On allait chercher les gendarmes. Une grande émotion secouait le village, le tirait de sa torpeur : les commères debout sur leurs portes regardaient curieusement les bicornes, qui chevauchaient d’une maison à l’autre, poursuivant leur enquête.

Les nuits étaient toutes vibrantes de chansons et de vacarmes.

Bras dessus, bras dessous, des bandes joyeuses de conscrits passaient, traînant leurs sabots sur le pavé des rues.

Nous sommes trois pauv’ conscrits,
De l’an mil huit cent dix,
Ils nous font tirer au sort, tirer au sort
Pour nous conduire à la mort.

Les voix montaient dans la nuit claire, s’envolaient sur les toits tandis que des chats amoureux rôdaient le long des gouttières.

Ces soirs-là, Marthe assise dans son lit prêtait l’oreille, dans le silence de sa chambre, empli du tic tac de la grande horloge. Elle reconnaissait très bien la voix de Pierre parmi toutes les autres, et cela la calmait.

Quand elle ne l’entendait pas, elle l’imaginait près de la Renaude, et elle pleurait dans son lit.