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citent. D’abord ce ne sont que des à peu près et le détail importe peu, pourvu que l’ensemble ait une probabilité satisfaisante, une plaisante couleur générale. Puis on deviendra plus exigeant. Il y a loin de la fantaisie historique de Chateaubriand à celle d’Hugo ; il y a plus loin encore de celle d’Hugo à celle de Flaubert. On est au passé, en pleine date vivante et, selon la parole redoutable et vraie d’Auguste Comte : « Les vivants sont de plus en plus gouvernés par les morts. » Sans que du domaine des idées la conviction passe — tant la vie est factice pour ces poëtes très hommes de lettres qui firent le Romantisme — au domaine pratique, on est, plume en main, chrétien, païen, mahométan peut-être. On a des religions d’imagination et cette monstruosité est devenue Dossible : qu’on puisse parler de Religion sans penser à la Vérité ! Je n’ai point de regrets vers cette heure charmante des Jeunes-France. Ils ressemblent tous un peu trop, pour mon gré, à des êtres humains qu’on aurait privés d’âme, de cœur et qui feraient de grands gestes drapés sans que ces gestes soient des signes de passions réelles. Au fond, tout leur importe, excepté l’important ; ils n’ont sur la destinée humaine que de vagues phrases d’élégies qui sentent encore l’inepte siècle d’où elles viennent. Lamartine lui-même, le plus grand de tous ceux-là, n’oubliera pas toujours qu’il a lu Dorat et Parny et ne dédaignera pas d’emprunter un hé-