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traites spéculations théologiques une psychologie, une morale et une politique chrétiennes, les poëtes firent rayonner jusqu’aux âges païens, par une rétroaction de rêve dans le temps, la Croix sur les Idoles : l’esprit chrétien mira sa clarté dans les nuées antiques et les féconda. On vit alors le vieux Corneille ranimer les héros de Rome, et, de par la magie de Racine, se redresser de l’oubli le peuple majestueux de Sophocle et d’Euripide. Mais la livrée seule et la légende restaient antiques : les âmes étaient converties, baptisées. Rien d’une restitution historique, des êtres chimériques bellement, futurs désirs d’André Chénier, « vers antiques sur des pensers nouveaux », patries de rêve. Un Chrétien, Auguste ; une catéchumène, Andromaque ; Phèdre, une repentie… Et n’est-ce pas pour symboliser ce sens profond de leur œuvre, que Corneille et Racine y érigèrent — ainsi que les deux colonnes d’un arc de-triomphe où passe en procession tout le siècle, — Athalie et Polyeucte[1]. — L’œuvre double était accomplie : les poètes avaient repris à leurs maîtres païens les grandes fables pour les dédier au Christ — comme avaient t’ait les Papes, à Rome, des temples transformés en basiliques — et les docteurs de la Religion

  1. On insistera plus loin sur le sens littéraire de ce XVIIe siècle qui ouvre l’ère moderne : il ne s’agit ici que de l’évolution de la Littérature autour des Idées religieuses. (Voir : II. Formules accomplies.)