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pace est un moyen par trop initial d’illusion, moyen d’ailleurs que la vapeur démontre insuffisant ; et c’est un des motifs pour lesquels il est impossible de supporter, poétiquement parlant, le théâtre romantique dont l’effort de beau Mensonge est conlrouvé, du moins quant au lieu, par le témoignage des voyageurs. Resterait l’illusion de la reculée dans le temps. Mais l’histoire a fait pour lui ce que la vapeur a fait pour l’espace : l’histoire a dévoré le temps. Le grand Flaubert, dans ce roman de Salammbô qui reste une merveille d’écriture, a dépensé beaucoup de génie à priver l’illusion des ressources du lointain temporel en précisant, en documentant l’illusion historique. Aujourd’hui, et le fait n’est pas sans éloquence, ce procédé est tombé aux mains de M. Sardou. — Quant à Balzac, le monde, même visible, moderne, lui servait de Fiction ; il voyait des démons familiers, ce voyant ! dans les êtres contemporains tout agités de petites et grandes passions. De même M. Barbey d’Aurevilly, qui crée ses héros dans son âme et vit lui-même fictivement leur vie fictive, est hors du monde. —

Hors du monde, et non pas seulement des dates et des sites connus : voilà la loi constitutive de toute fiction.

Hors du monde, mais point hors de l’humanité ni de la nature. Une âme, une fleur, un corps, sont dans l’éternité. Même, l’instant contemporain du