Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est par de telles reprises aux traditions que les générations obtiennent le droit des audaces. Haraucourt serait surtout un moraliste un peu empêché d’indiquer les fondements de sa morale. Mais c’est un prosateur très sûr et très robuste, qui sait bien la langue. Et si curieuse, chez lui qui se défendrait d’être un « suggestif » et briserait, s’il y touchait, les pointes des fines aiguilles, — cette défaite du sensualisme, butant comme un taureau à l’abîme du mysticisme, et même ! du mysticisme sentimental, pour avoir souhaité l’absolu physique ! Cet effet de cette cause retient le poëte dans la vigile triste. Un autre, moins spirituel, sans doute, en franchirait les bornes souvent, vers la joie des sensations. C’était le premier désir : la pensée du fini et sa tristesse sont intervenues et le poëte ne les a pas vaincues, enchaîné dans la méditation sempiternelle d’un sensualiste qu’un instant inoublié convainquit d’avoir une âme. Sentiments de maintenant, sinon de tout à l’heure, et qui appelaient ici Edmond Haraucourt.


Jean Moréas est Grec. Cette origine explique beaucoup des particularités de son talent, et d’abord la première influence qu’il subit : Théophile Gautier, ce roi de l’Asie fastueuse. Moréas a presque toutes les qualités romantiques. Il n’a aucune des qualités classiques. C’est un peintre