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C’est surtout de la première de ces trois inspirations que manque le Naturalisme. Précisons toutefois : il ne s’en passe apparemment pas, il ne peut faire autrement que de nous annoncer des « êtres moraux », — intelligents ou sots, chastes ou débauchés, francs ou hypocrites, vaniteux ou modestes, etc., mais ni son intérêt, ni son point de vue principal ne se maintiennent dans ce domaine moral et psychique, pour lui la pensée n’importe pas capitalement dans l’action humaine : en un mot, il ne constate et ne peint que des effets matériels. — Il est pictural moins que photographique, et, pour agréer le mot qu’il préfère, il est « objectif ».

Cette grande prétention à l’objectivisme esthétique n’est que l’erreur d’un instant. Si, par ce mot, on a voulu prescrire à l’écrivain de ne jamais « donner son avis » sur les choses qu’il écrit, soit — et peu importe : il y a des chefs-d’œuvre de Balzac et de M. Barbey d’Aurevilly où l’auteur ace tort d’intervenir dans le roman, comme un personnage sans visage ou comme le Chœur antique. Mais si on a voulu défendre à l’écrivain de nous laisser voir la couleur de son âme dans la couleur des passions et des paysages qu’il décrit

    — cette vie de la foule ; c’est Michelet, dans son Histoire. — Michelet, un des plus grands poètes de ce siècle, reste étranger à toute influence sur l’art de l’avenir. Cas à déduire ailleurs et non pas en quelques lignes. C’est ainsi que, pour d’autres causes et pour le même motif, on a dû négliger, dans ce livre, une figure de l’importance du duc de Saint-Simon.