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giques. — Les Naturalistes nous affirment hautement le contraire, et pour eux, ces myopes ! l’homme ne consiste qu’en ses organes. Quand ils sont sincères, ils s’efFrayent de leur propre conclusion et s’en reculent avec une secrète horreur où se trahit une reprise de cet Esprit qui vit en soi et ne se laisse pas toucher : « L’être physique ferait-t-il l’homme ? et nos qualités morales et spirituelles ne seraient-elles, ô misère ! que le développement d’un organe correspondant à son état morbifique[1] ? » Ils perçoivent quelquefois, même dans l’ordre purement, voudraient-ils croire, physique, des phénomènes qui ne s’expliquent pas physiquement, comme cette « atmosphère des journées de juin 1848, qui agita tous les fous de Bicêtre[2], » et mille autres insaisissables et souterraines correspondances qui échappent nécessairement à leur analyse. La femme, surtout, avec ses complications naïvement subtiles, ses apparences d’illogisme, les imprévus, les brusques ressauts de ses ressorts invisibles, le mélange indiscernable de ses vices et de ses vertus, les mesquineries de sa grandeur, les tendresses de sa perversité, les cruels sous-entendus de son indulgence, la femme avec toute sa féminité joue et trompe infailliblement l’analyse naturaliste. Il y a quatre ou cinq vers de Racine qui en disent plus long là dessus que tous les romans

  1. M. de Goncourt.
  2. Le même.