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sité, grandeur, courage ; dans ces peintures ce poëte se complaît évidemment ; évidemment aussi l’idée du poëme ne lui est venue que du sentiment qu’il a éprouvé ici ou là, sur le lac de Léman, pendant un orage, à Venise, au cours d’une scène tragi-comique du carnaval. Pour trouver et combiner les développements et les péripéties de son poëme ou de son drame, il n’a eu qu’à pousser à leurs extrêmes conséquences ses sentiments imaginaires, mais sincères, les sentiments qui lui ont bouleversé l’âme alors qu’il se demandait, exalté par la propre fumée de son génie et par l’électricité de l’air orageux : « Si j’avais la toute-puissance, que ferais-je de mes ennemis, que ferais-je du monde ? » Il a jeté sur la réponse de sa colère la draperie de son imagination et il a vu ses héros marcher dans son rêve. — Oui, il y a du vrai dans les calomnies : si ce n’est en action, c’est du moins en pensée que Byron est ce coupable dont son temps s’épouvanta.

Shakespeare et Rousseau, voilà donc les inspirateurs[1] du romantisme dans le passé. Au présent

  1. Il y faudrait joindre l’Ossian de Macpherson, le Paul et Virginie et la Clarisse Harlowe et ces trois sources d’inspiration, secondaires par la valeur, ne le sont point par l’influence. Toutes trois contribuèrent à exaspérer jusqu’au sentimentalisme les trois sentiments qui fondent tout le Romantisme : le sentiment héroïque qui, dans Ossian, ne s’embarrasse d’aucune réalité ; le sentiment de la nature que Bernardin de Saint-Pierre déprave des plus dégoûtantes niaiseries ; enfin le