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mesure que s’entassaient ces chiffons de papier, noircis en fièvre, choses de génie et d’insommie, l’âme, comme grosse de cet avenir qu’elle eût voulu sauver, s’entr’ouvrait aux doutes qu’elle s’était juré de vaincre. Elle sentait la nécessité de satisfaire à l’esprit scientifique qu’elle-même portait en elle et s’avouait impuissante à lui expliquer ce qu’est Dieu, à lui prouver même qu’il est ! Alors l’esprit le plus sincère et le plus grave qui ait été tergiverse avec lui-même, s’hallucine aux évocations de son désir, s’assouvit de superstitions et de sortilèges : et c’est cette obscure et lamentable histoire dont le Diable seul et peut-être aussi Voltaire pourraient sourire, — l’histoire du Talisman de Pascal. C’est aussi cette macération de cette âme inquiète dans cet organisme profondément atteint, ce sont ces mortifications effrayantes, ces austérités et ces jeûnes par quoi on espère mériter la Vérité et qui n’obtiennent que la mort. — Et l’œuvre immense de cet esprit qu’on n’ose mesurer reste vaine, une ruine désolée, où retentit, au lieu de la Réponse désirée, la question-même que l’avenir allait faire, une question comme un gémissement. Mais cette question, sans que Pascal ait eu la consolation de le savoir, recélait les secrets-mêmes de la réponse et cette ruine est l’arche magnifique qui relie à l’Église ancienne l’Église des temps nouveaux. L’œuvre de Pascal proteste à la fois contre les hontes véritables du siècle qui