Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 4.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
Liv. XXX. Chap. XIX.

chacun connût au juste jusqu’à quel point il étoit lésé ou offensé ; qu’il fût exactement la réparation qu’il devoit recevoir, & sur-tout qu’il n’en devoit pas recevoir davantage.

Dans ce point de vue, on conçoit que celui qui se vengeoit après avoir reçu la satisfaction, commettoit un grand crime. Ce crime ne contenoit pas moins une offense publique qu’une offense particuliere : c’étoit un mépris de la loi même. C’est ce crime que les législateurs[1] ne manquerent pas de punir.

Il y avoit un autre crime qui fut sur-tout regardé comme dangereux[2] lorsque ces peuples perdirent dans le gouvernement civil quelque chose de leur esprit d’indépendance, & que les rois s’attacherent à mettre dans l’état une meilleure police ; ce crime étoit de ne

  1. Voyez la loi des Lombards, liv. I, tit. 25, §. 21 ; ibid. liv. I, tit. 8, §. 8 & 34 ; & le capitul. de Charlemagne, de l’an 802, ch. xxxii, contenant une instruction donnée à ceux qu’il envoyoit dans les provinces.
  2. Voyez dans Grégoire de Tours, liv. VII, chapitre xlvii, le détail d’un procès où une partie perd la moitié de la composition qui lui avoit été adjugée, pour s’être fait justice elle-même, au lieu de recevoir la satisfaction, quelque excès qu’elle eût souffert depuis.