Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 4.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
De l’esprit des Lois,

Ils furent attentifs à mettre un prix juste à la composition que devoit recevoir celui à qui on avoit fait quelque tort ou quelqu’injure. Toutes ces lois barbares ont là-dessus une précision admirable : on y distingue avec finesse les cas[1], on y pese les circonstances ; la loi se met à la place de celui qui est offensé, & demande pour lui la satisfaction que, dans un moment de sang froid, il auroit demandée lui-même.

Ce fut par l’établissement de ces lois, que les peuples Germains sortirent de cet état de nature, où il semble qu’ils étoient encore du temps de Tacite.

Rhotaris déclara dans la loi des Lombards[2], qu’il avoit augmenté les compositions de la coutume ancienne pour les blessures, afin que le blessé étant satisfait, les inimitiés pussent cesser : en effet, les Lombards, peuple pauvre, s’étant enrichis par la conquête de l’Italie, les compositions anciennes devenoient frivoles, & les réconciliations ne se faisoient plus. Je ne doute pas que cette considération n’ait obligé les autres

  1. Voyez sur-tout les titres 3, 4, 5, 6 & 7 de la loi salique, qui regardent les vols des animaux.
  2. Livre I, tit. 7, §. 15.