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Lysimaque.


Un jour, Callisthène me dit, « Les dieux immortels m’ont consolé ; & depuis ce temps je sens en moi quelque chose de divin, qui m’a ôté le sentiment de mes peines. J’ai vu en songe le grand Jupiter. Vous étiez auprès de lui ; vous aviez un sceptre à la main, & un bandeau royal sur le front. Il vous a montré à moi, & m’a dit : Il te rendra plus heureux. L’émotion où j’étois m’a réveillé. Je me suis trouvé les mains élevées au ciel, & faisant des efforts pour dire : Grand Jupiter, si Lysimaque doit régner, fais qu’il regne avec justice. Lysimaque, vous régnerez : croyez un homme qui doit être agréable aux dieux, puisqu’il souffre pour la vertu ».

Cependant Alexandre ayant appris que je respectois la misere de Callisthène, que j’allois le voir, & que j’osois le plaindre, il entra dans une nouvelle fureur. « Va, dit-il, combattre contre les lions, malheureux qui te plais tant à vivre avec les bêtes féroces ». On différa mon supplice, pour le faire servir de spectacle à plus de gens.

Le jour qui le précéda, j’écrivis ces mots à Callisthène : « Je vais mourir. Toutes les idées que vous m’aviez