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De l’esprit des Lois,

Clotaire I, Gontran[1] fut celui qui négligea le plus de commander les armées : d’autres rois suivirent cet exemple : Et pour remettre, sans péril, le commandement en d’autres mains, ils le donnerent à plusieurs chefs ou ducs[2].

On en vit naître des inconvéniens sans nombre : il n’y eut plus de discipline, on ne sut plus obéir ; les armées ne furent plus funestes qu’à leur propre pays ; elles étoient chargées de dépouilles avant d’arriver chez les ennemis. On trouve dans Grégoire de Tours une vive peinture[3] de tous ces maux. « Comment pourrons-nous obtenir la victoire, disoit Gontran[4], nous qui ne conservons pas ce que nos peres ont acquis ? notre nation n’est plus la même… » Chose singuliere ! elle

  1. Gontran ne fit pas même l’expédition contre Gondovalde, qui se disoit fils de Clotaire, & demandoit sa part du royaume.
  2. Quelquefois au nombre de vingt. Voyez Grégoire de Tours, liv. V, chap. xxvii ; liv. VIII, chap. xviii & xxx ; liv. X, chap. iii. Dagobert, qui n’avoir point de maire en Bourgogne, eut la même politique, & envoya contre les Gascons dix ducs & plusieurs comtes qui n’avoient point de ducs sur eux. Chronique de Frédégaire, ch. lxxviii, sur l’an 636.
  3. Grégoire de Tours, liv. VIII, ch. xxx ; & liv. X. ch. iii. Ibid. liv. VIII, ch. xxx.
  4. Ibid.