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De l’esprit des Lois,

eut des hommes libres qui furent admis à jouir de cette grande prérogative, & par conséquent à entrer dans l’ordre de la noblesse. Cela n’étoit point ainsi du temps de Gontran & de Childebert son neveu ; & cela étoit ainsi du temps de Charlemagne. Mais quoique, dès le temps de ce prince, les hommes libres ne fussent pas incapables de posséder des fiefs, il paroît, par le passage de Tégan rapporté ci-dessus, que les serfs affranchis en étoient absolument exclus. M. l’abbé Dubos[1], qui va en Turquie pour nous donner une idée de ce qu’étoit l’ancienne noblesse Françoise, nous dira-t-il qu’on se soit jamais plaint en Turquie de ce qu’on y élevoit aux honneurs & aux dignités des gens de basse naissance, comme on s’en plaignoit sous les regnes de Louis le débonnaire & de Charles le chauve ? On ne s’en plaignoit pas du temps de Charlemagne, parce que ce prince distingua toujours les anciennes familles d’avec les nouvelles ; ce que Louis le débonnaire & Charles le chauve ne firent pas.

  1. Histoire de l’établissement de la monarchie Françoise, tome III, liv. VI, chap. iv, page 302.