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Liv. XXVIII. Chap. XLII.

Il y avoit du temps de Beaumanoir[1], deux différentes manieres de rendre la justice : dans des lieux, on jugeoit par pairs[2] ; dans d’autres, on jugeoit par baillis : quand on suivoit la premiere forme, les pairs jugeoient selon l’usage de leur juridiction[3] ; dans la seconde, c’étoient des prud’hommes ou vieillards qui indiquoient au bailli le même usage. Tout ceci ne demandoit aucunes lettres, aucune capacité, aucune étude. Mais, lorsque le code obscur des établissemens & d’autres ouvrages de jurisprudence parurent ; lorsque le droit Romain fut traduit ; lorsqu’il commença à être enseigné dans les écoles ; lorsqu’un certain art de la procédure, & qu’un certain art de la jurisprudence commencerent à se former ; lorsqu’on vit naître des praticiens & des juriconsultes, les pairs & les prudh’ommes ne

  1. Coutume de Beauvoisis, chap. i. de l’office des Baillis.
  2. Dans la commune, les bourgeois étoient ,jugés par d’autres bourgeois, comme les hommes de fief se jugeoient entr’eux. Voyez la Thamassiere, chap. xix.
  3. Aussi toutes les requêtes commençoient-elles par ces mots : « Sire juge, il est d’usage qu’en votre juridiction, &c. » comme il paroît par la formule rapportée dans Boutillier, somme rurale, livre I, titre 21.