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Liv. XXII. Chap. VI.

tout-à-coup portée en Europe : bientôt moins de personnes eurent besoin d’argent ; le prix de toutes choses augmenta, & celui de l’argent diminua : la proportion fut donc rompue, toutes les anciennes dettes furent éteintes. On peut se rappeller le temps du systême[1] où toutes les choses avoient une grande valeur, excepté l’argent. Après la conquête des Indes, ceux qui avoient de l’argent furent obligés de diminuer le prix ou le louage de leur marchandise, c’est-à-dire l’intérêt.

Depuis ce temps, le prêt n’a pu revenir à l’ancien taux, parce que la quantité de l’argent a augmenté toutes les années en Europe. D’ailleurs, les fonds publics de quelques états, fondés sur les richesses que le commerce leur a procurées, donnant un intérêt très-modique, il a fallu que les contrats des particuliers se réglassent là-dessus. Enfin le change ayant donné aux hommes une facilité singuliere de transporter l’argent d’un pays à un autre, l’argent n’a pu être rare dans un lieu, qu’il n’en vînt de tous côtés de ceux où il étoit commun.

  1. On appelloit ainsi le projet de M. Law en France.