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De l’esprit des Lois,

même tel, que juger c’étoit combattre.

Un seigneur[1] qui plaidoit à sa cour contre son vassal, & qui y étoit condamné, pouvoit appeller un de ses hommes de faux jugement. Mais à cause du respect que celui-ci devoit à son seigneur pour la foi donnée, & la bienveillance que le seigneur devoit à son vassal pour la foi reçue, on faisoit une distinction : ou le seigneur disoit en général, que le jugement[2] étoit faux & mauvais ; ou il imputoit à son homme des prévarications[3] personnelles. Dans le premier cas il offensoit sa propre cour, & en quelque façon lui-même, & il ne pouvoit y avoir de gages de batailles : il y en avoit dans le second, parce qu’il attaquoit l’honneur de son vassal ; & celui des deux qui étoit vaincu, perdoit la vie & les biens, pour maintenir la paix publique.

Cette distinction nécessaire, dans ce cas particulier, fut étendue. Beaumanoir dit que, lorsque celui qui appelloit de

  1. Voyez Beaumanoir, ch. lxvii, page 337.
  2. Chi jugement est faux & mauvais : Ibid. ch. lxvii, page 337.
  3. Vous avez fait ce jugement faux & mauvais, comme mauvais que vous êtes, ou par lovier ou par pramesse. Beaumanoir, ch. lxvii, page 337.