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Liv. XXVIII. Chap. XXII.

galanterie, qui n’est point l’amour, mais le délicat, mais le léger, mais le perpétuel mensonge de l’amour.

Selon les circonstances différentes dans chaque nation & dans chaque siecle, l’amour se porte plus vers une de ces trois choses, que vers les deux autres. Or je dis que, dans le temps de nos combats, ce fut l’esprit de galanterie qui dut prendre des forces.

Je trouve dans la loi des Lombards, que[1] si un des deux champions avoit sur lui des herbes propres aux enchantemens, le juge les lui faisoit ôter, & le faisoit jurer qu’il n’en avoit plus. Cette loi ne pouvoit être fondée que sur l’opinion commune ; c’est la peur, qu’on a dit avoir inventé tant de choses, qui fit imaginer ces sortes de prestiges. Comme dans les combats particuliers les champions étoient armés de toutes pieces, & qu’avec des armes pesantes, offensives & défensives, celles d’une certaine trempe & d’une certaine force, donnoient des avantages infinis ; l’opinion des armes enchantées de quelques combattans dut tourner la tête à bien des gens.

  1. Liv. II, tit. 55, §. 11.