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Liv. XXII. Chap. II.

sentent point l’argent, & n’en sont point un signe. À l’égard du gouvernement despotique, ce seroit un prodige si les choses y représentoient leur signe : la tyrannie & la méfiance font que tout le monde y enterre[1] son argent : les choses n’y représentent donc point l’argent.

Quelquefois les législateurs ont employé un tel art, que non-seulement les choses représentoient l’argent par leur nature, mais qu’elles devenoient monnoie comme l’argent même. César[2] dictateur, permit aux débiteurs de donner en payement à leurs créanciers des fonds de terre au prix qu’ils valoient avant la guerre civile. Tibere[3] ordonna que ceux qui voudroient de l’argent, en auroient du trésor public, en obligeant des fonds pour le double. Sous César, les fonds de terre furent la monnoie qui paya toutes les dettes ; sous Tibere, dix mille sesterces en fonds devinrent une monnoie commune comme cinq mille sesterces en argent.

  1. C’est un ancien usage à Alger, que chaque pere de famille ait un trésor enterré. Logier de Tassis, histoire du royaume d’Alger.
  2. Voyez César, de la guerre civile, liv. III.
  3. Tacite, liv. VI.