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De l’esprit des Lois,


CHAPITRE XVII.

Maniere de penser de nos peres.


On sera étonné de voir que nos peres fissent ainsi dépendre l’honneur, la fortune & la vie des citoyens, de choses qui étoient moins du ressort de la raison que du hasard ; qu’ils employassent sans cesse des preuves qui ne prouvoient point, & qui n’étoient liées, ni avec l’innocence, ni avec le crime.

Les Germains qui n’avoient jamais été subjugués[1], jouissoient d’une indépendance extrême. Les familles se faisoient la guerre[2] pour des meurtres, des vols, des injures. On modifia cette coutume, en mettant ces guerres sous des regles ; elles se firent par ordre & sous les yeux[3] du magistrat ; ce qui étoit préférable à une licence générale de se nuire.

  1. Cela paroît par ce que dit Tacite : omnibus idem habitus.
  2. Velleius Paterculus, liv. II. chap. cxviii, dit que les Germains décidoient toutes les affaires par le combat.
  3. Voyez les codes des lois des Barbares ; & pour les temps plus modernes, Beaumanoir, sur la coutume de Beauvoisis.