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De l’esprit des Lois,

affranchi[1], on ne payoit que la moitié de la composition. Par la même loi[2], si un Romain enchaînoit un Franc, il devoit trente sous de composition ; mais si un Franc enchaînoit un Romain, il n’en devoit qu’une de quinze. Un Franc dépouillé par un Romain, avoit soixante-deux sous & demi de composition ; & un Romain dépouillé par un Franc, n’en recevoir qu’une de trente. Tout cela devoit être accablant pour les Romains.

Cependant un auteur[3] célebre forme un systême de l’établissement des Francs dans les Gaules, sur la présupposition qu’ils étoient les meilleurs amis des Romains. Les Francs étoient donc les meilleurs amis des Romains, eux qui leur firent, eux qui en reçurent[4] des maux effroyables ? Les Francs étoient amis des Romains, eux qui, après les avoir assujettis par les armes, les opprimerent de sang froid par leurs lois ? Ils étoient amis des Romains, comme les Tartares qui conquirent la Chine, étoient amis des Chinois.

  1. Lidus, dont la condition étoit meilleure que celle du serf : loi des Allemands, chap. xcv.
  2. Tit. 35, §. 3 & 4.
  3. L’abbé Dubos.
  4. Témoin l’expédition d’Arbogaste, dans Grégoire de Tours, hist. liv. II.